Geneviève Dufour: Finaliste au prix Relève professionnelle – Capitale-Nationale
Le prix Relève professionnelle est remis chaque année par Culture Capitale-Nationale et Chaudière-Appalaches (CCNCA) dans le cadre des Prix d'excellence en arts et culture. En cette 38e édition, notre équipe vous invite à découvrir les finalistes par une série d’entrevues portant sur leur démarche et leur vision.
...Née en 1994, Geneviève Dufour est poète, autrice et travailleuse culturelle. Elle participe activement à la vie culturelle de sa ville natale, Québec, en y insufflant une poésie incarnée et revendicatrice qui demeure enracinée dans le quotidien et qui emprunte un langage à la fois vivant et coloré malgré des thèmes parfois difficiles. Les événements qu’elle crée font briller la scène littéraire de la Capitale-Nationale. Ils sont rassembleurs et novateurs. Ils remodèlent les frontières de sa discipline tout en demeurant accessibles au public.
En quoi la poésie est selon vous un canal de connexion qui permet de rassembler les gens et de quelles façons ça s’incarne dans les nombreux événements que vous organisez?
Pour moi, tout le monde peut se sentir interpellé par la poésie puisque son moteur principal est l’émotion, une expérience humaine universelle. Au Championnat d’arts littéraires mixtes, le public a ressenti de l’excitation, voire de l’exaltation, puis a été touché par la profondeur des textes. À la Nuit Ciné-cadeau, les curieux.ses ont pu visiter les stations ensemble et entrer en contact avec l’autre de façon hors du commun. Le même phénomène se produit avec tous les événements de Spoken word Québec: le mélange entre poésie et musique crée des moments d’émotion uniques et éphémères qui font du bien. Cet ajout de la musique est la porte d’entrée parfaite pour les personnes non-initiées à la poésie.
Dans Je me réclame du vertige (Hashtag, 2023), vous mettez en scène un corps entravé par la maladie et l’on sent que votre écriture est un moyen de réappropriation d’un monde qui lui est hostile. De votre point de vue, la poésie peut-elle aider à guérir?
La poésie peut certainement aider à guérir, car elle permet de ressentir, chose qui nous est parfois difficile de faire en raison de la vitesse à laquelle va notre monde. Elle nous rapproche de nos émotions et nous fait expérimenter celles des autres: nous pouvons ainsi nous reconnaître en l’autre et comprendre que, la plupart du temps, nous ne sommes pas seul.e.s. Aussi, la poésie se présente parfois à nous dans nos moments les plus vulnérables, des moments où nous sommes dans l’attente et l’inconnu et où nous cherchons des réponses. De cet angle, la poésie peut passer pour une sorte de canal spirituel. En effet, je crois qu’elle est un ancrage puissant qui peut nous faire du bien et nous aider à cheminer.
Vous avez fait vos premiers pas publics dans l’écriture par le biais de différentes revues de création (Moebius, Zinc, Saturne et Le Crachoir de Flaubert). En quoi ce passage est-il formateur pour les auteurs et autrices de la relève?
Je crois qu’il s’agit d’un passage extrêmement pertinent pour les gens qui tentent de percer dans le milieu. En effet, les revues nous permettent de vivre des processus d’édition professionnels pour la première fois et de faire entendre notre voix partout au Québec. La revue Cavale de l’Université de Sherbrooke a été pour moi un tremplin direct vers ma première publication, puisque c’est grâce à un poème publié dans son numéro Cacophonies que j’ai été remarquée par la directrice éditoriale de Bayard Canada, qui m’a ensuite offert de travailler avec eux. Ainsi, on ne sait jamais où les publications en revues peuvent nous mener: ça vaut vraiment la peine de s’essayer.
Dans votre roman destiné à un public adolescent, Parfois mon cœur reste accroché au trapèze, vous abordez notamment des enjeux politiques et les questions d’identité de genre: il est question de grandes amitiés et d’une manifestation pour sauver l’école de cirque d’une démolition annoncée. Pourquoi vous importait-il de mettre en scène un personnage non-binaire et des jeunes qui clament haut et fort leurs opinions?
Parce que je souhaitais que mon public ressente le sentiment d’empowerment pouvant venir avec l’affirmation de soi. Je voulais montrer des jeunes brillant.e.s, allumé.e.s et passionné.e.s qui se battaient pour leurs valeurs et qui n’avaient pas peur d’être elleux-mêmes. Mon personnage non-binaire est apparu.e puisque je voulais que le livre soit une forme de représentation pour plusieurs réalités queer dont l’identité de genre. Parfois mon cœur est un hommage à la communauté LGBTQ+, un livre où enfin les enjeux sont traités avec humour et positivisme. Je voulais montrer aux jeunes qui peut-être se sont reconnu.e.s dans le roman qu’être queer, c’est une bonne nouvelle.
Vous écrivez, mais vous performez également vos textes. Nous sommes loin de l’autrice recluse. L’acte de présenter soi-même ses textes importe-t-il dans votre démarche? Pourquoi la poésie doit-elle sortir et vivre au-delà du papier?
Je crois que les lectures publiques amènent une tout autre dimension au texte. L’émotion véhiculée sur scène n’est pas la même que celle véhiculée à la lecture, car chaque personne a sa façon d’interpréter et de livrer les mots. La différence est d’autant plus grande lorsque la musique est impliquée et que l’émotion peut ainsi être décuplée. Depuis plusieurs années, je découvre la nécessité de lire sur scène. Personnellement, je sens que le fait de faire des lectures publiques ajoute de l’incarnation à mes poèmes. Je les sens en moi, avec moi lorsque je les lis dans des spectacles. De plus, je crois que la littérature orale est une belle façon de s’initier à la poésie lorsque nous ne sommes pas familiers avec ce genre d’écriture. Nous pouvons nous installer dans la salle et nous laisser porter par les mots sans avoir peur de ne pas comprendre.