Musique

Émilie Clepper: Finaliste au prix Artiste de l’année – Chaudière-Appalaches

Le prix Artiste de l’année est remis annuellement par le Conseil des arts et des lettres du Québec (CALQ) dans le cadre des Prix d'excellence en arts et culture. En cette 38e édition, notre équipe vous invite à découvrir les finalistes par une série d’entrevues portant sur leur démarche et leur vision.

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Publié le : 4 novembre 2024

Musicienne professionnelle et poète depuis plus d'une décennie, Émilie Clepper se produit fréquemment en spectacle au Québec et au Texas en tant qu'auteure-compositrice-interprète. Elle travaille régulièrement sur des projets de théâtre, de danse et de documentaires, assurant le volet musical de ceux-ci. Ses textes sont d’une grande maturité et sa voix, renversante. Cette chanteuse et autrice qui sait aussi bien faire danser les cœurs que les pieds de son auditoire est cette année finaliste pour le prix Artiste de l’année en Chaudière-Appalaches du CALQ.



La grande migration, album réalisé en collaboration avec Sara Garneau et dont les textes sont écrits en français, a été hautement salué. Quelle importance occupe la langue française dans votre démarche artistique; qu’est-ce qui vous pousse à écrire en anglais et, d’autres fois, en français, vous qui avez des origines à la fois texanes et québécoises?

J’ai grandi, entre autres, avec un père texan qui était musicien. La musique s’est introduite dans ma vie par le biais de ses chansons en anglais. Enfant, je vivais sur une ferme à Saint-Jean-Chrysostome et nous parlions anglais et français. La musique francophone planait tout autour dans l'atmosphère. J’ai écrit quelques chansons en français dans mon adolescence mais elles n'étaient pas prêtes pour la diffusion. En faisant appel à mon amie Sara Garneau, j’ai pu collaborer pour créer une œuvre que je crois unique – l’album La grande migration. Bien que ma tradition musicale familiale soit plutôt anglophone, je travaille sur deux projets en français en ce moment avec des acolytes de ma région. J'écris aussi de la poésie dans les deux langues. Les deux font partie de mon identité personnelle et artistique.

 

Votre plus récent album, The family record (2024), présente les chansons écrites et composées par votre père, Russell Clepper, qui vous partage sa passion pour la musique depuis votre plus jeune âge. Qu’avez-vous découvert ou appris aux côtés de cet homme que vous connaissez pourtant bien, durant l’enregistrement de cet album?

Les choses qui me surprennent toujours chez mon père sont sa bonté et son humilité. Le fait d'être témoin de la réalisation de ce qui est selon lui son plus grand accomplissement musical a ce jour m’a appris qu’il est possible de se réaliser artistiquement à n'importe quel âge – il a 73 ans! Nous avons vécu une expérience enrichissante ensemble et réalisé un rêve. Je crois que ce que j’ai appris de plus important au cours de cet enregistrement et des spectacles que nous avons fait ensemble c’est l’importance du partage entre les générations. J'espère pouvoir transmettre cet héritage à mon fils. L’album lui est d’ailleurs dédié.  

 

Vous êtes très impliquée dans le milieu culturel de la MRC de L'Islet en tant que vice-présidente de la Corporation des arts et de la culture de L'Islet et administratrice de la Biennale de la Sculpture, notamment. Quelles actions concrètes envisagez-vous pour vous assurer que la musique, et l’art en général, continue de jouer un rôle central dans la culture locale?

Il est important pour moi de m’impliquer dans ma communauté. J’ai la chance de vivre dans un endroit qui est non seulement un paradis terrestre au niveau de la beauté du territoire, mais qui est aussi un lieu habité par de nombreux artistes dans de multiples disciplines. J’ai l’intention de continuer mon implication au sein des organismes dont je fais partie.

J’aimerais également avoir ma propre compagnie de production de spectacles en 2025 qui aurait pour objectif de créer un pont culturel entre le Québec et les États-Unis afin de faire rayonner les artistes de ma région au niveau local et à l’étranger, tout en leur permettant de se familiariser avec les sonorités de la musique americana. Je souhaite que les artistes de ma région puissent se professionnaliser (classe de maître) et faire du réseautage avec des artistes reconnus d’ici et d’ailleurs. Je compte offrir des plateaux doubles diffusés simultanément au Québec et au Texas, en direct de l’Usine 84, à Saint-Jean-Port-Joli et à Terlingua au Texas, entre autres. Je souhaite que la création de mon entreprise bénéficie à la communauté culturelle dont je fais partie par le biais de mon réseau et de collaborations avec les festivals et diffuseurs de ma région, soit la MRC de l’Islet et Chaudière-Appalaches.  Je souhaite également produire sporadiquement des spectacles québécois aux États-Unis en collaboration avec des gens du milieu et des organisations artistiques locales dont les valeurs sont connexes. J’ai la ferme intention de travailler avec les artistes et artisans locaux pour tout ce qui a trait à la publicité, au graphisme et aux communications (Atelier Batard).  



Passages Migratoires, la mini-série documentaire que vous avez produite en 2022 a permis de mettre de l’avant des producteurs locaux, tout en vous faisant découvrir des lieux bucoliques. Quels défis avez-vous rencontrés lors de sa réalisation et quel message souhaitiez-vous transmettre à travers ce projet?

La série Passages Migratoires, en collaboration avec Telus et le groupe Fovea, avait pour but de faire connaître nos producteurs locaux et de faire découvrir la beauté du territoire que nous avons l’immense chance d’habiter, tout en démontrant que notre région a une identité artistique. En termes de défi, je dois avouer qu’au pont couvert de Saint-Adalbert, quelques-unes de mes cordes de guitare ont cassé (ce qui m’arrive rarement!) et nous n’avions pas le temps d’aller en chercher d’autres. J’ai donc dû adapter mon jeu de guitare et faire la performance avec seulement quatre cordes, hahaha! Autrement, l'expérience s’est plutôt bien déroulée.  

 

Que percevez-vous comme différences majeures entre la scène artistique québécoise et celle du Texas? De quoi le Québec pourrait-il s’inspirer en termes de bonnes pratiques pour faire évoluer la scène musicale d’ici?

Au Québec, nous avons la grande chance d’avoir des lois et organismes gouvernementaux qui encouragent la culture locale et les arts. Le bassin de population au Texas étant beaucoup plus grand, il y a beaucoup d’artistes, et moins de soutien pour ceux-ci. Le Texas pourrait apprendre du Québec en ce sens. En contrepartie, la largeur du bassin de population et la haute concentration d’artistes locaux ou d’ailleurs (Austin, Marfa) ainsi que les institutions culturelles internationales (SXSW, Austin City Limits) font en sorte que la qualité artistique qu’on y retrouve est impressionnante. Il s’agit d’une des raisons pour lesquelles je suis persuadée qu’il soit intéressant de créer des opportunités de réseautage entre les artistes d’ici et de là-bas, afin qu’ils échangent sur leur processus de création et collaborent, créant ainsi une portée plus large pour la musique d’ici tout en augmentant la qualité et le professionnalisme general du milieu artistique musical de notre région à long terme.