Mélanie Robinson : l’observatrice derrière la scénographe
Entretien avec Mélanie Robinson, scénographe et conceptrice d’accessoires pour la Journée mondiale du théâtre 2021 sous le thème «#Nousletheatre».
...BALADO – Écoutez l’entrevue complète!
Quand on pense au théâtre, tout de suite l’image de la scène nous vient en tête. On y voit les comédiens et les comédiennes qui sortent des coulisses. On regarde le décor, les éclairages, les costumes qui constituent l’univers de la pièce. Comme spectateur confortablement assis dans la salle, on s’émerveille de ce monde imaginaire qui prend vie sous nos yeux. En survolant le programme de la pièce, on réalise alors que la création de l’univers théâtral est en fait le fruit du travail d’une scénographe, comme Mélanie Robinson.
Dans le cadre de la Journée mondiale du théâtre 2021, notre équipe vous propose une série d’articles et de balados pour vivre le théâtre autrement et découvrir ceux et celles qui l’animent! Notre équipe a eu le plaisir de s’entretenir avec Mélanie Robinson pour jaser de scène, de costumes et d’accessoires.
Quelques mots sur notre invitée
Originaire de Lévis, Mélanie Robinson s’est intéressée très tôt aux arts de la scène. Après ses études en arts médiatiques et en lettres, quelques années passées à l’étranger, elle s’inscrit en scénographie au Conservatoire d’Art Dramatique de Québec, d’où elle gradue en 2014. Depuis, elle collabore à de nombreux projets, dont la pièce Roméo et Juliette présentée par le Théâtre du Trident à l’hiver 2020 pour laquelle elle a fait la conception des accessoires.
Être scénographe en confinement
Selon Élène Pearson, scénographe et professeure au Conservatoire d’art dramatique de Québec, la scénographie c’est «tout ce qui est visuel pour traduire le texte, la mise en scène et le personnage que le comédien va jouer. Ça englobe costumes, décors, l’éclairage, maquillages, donc, tout ce que le spectateur va voir.» Quand on se retrouve en confinement à cause de la pandémie et que la situation perdure, comme scénographe quelle est notre réalité?
Mélanie Robinson : En mars, quant tout s’est arrêté cela devait être pour trois semaines. Puis, l’arrêt prolongé s’est confirmé. On s’est senti comme un chevreuil surpris par des phares de voiture sur le bord de l’autoroute. Déstabilisé et incrédule. On n’a jamais rien vécu de tel.
Finalement, c’est devenu un été d’attente à se demander ce qui allait qui se passer? Bon, on se disait que tout reprendrait à l’automne. Effectivement, à l’automne, il y a eu plein de projets qui ont émergé, dans lesquels on a travaillé fort. Je pense au festival Québec en toutes lettres, aux capsules Mouvance du Théâtre du Gros mécano. On a bossé très, très fort pour s’adapter à la situation et essayer de rendre ça possible.
«Chaque scène que je crée prend racine dans mes observations. Et en pandémie, j’en ai eu tu temps pour observer autour de moi les gens. On regarde quelque chose, on lit quelque chose, on écoute quelque chose. Ça peut venir de la musique, d’une peinture, de notre imaginaire, on le transforme, on le matérialise. Le processus de création se passe en mélangeant le concret avec tout ce qui est abstrait. L’objet qui vient de l’esprit.»
– Mélanie Robinson
Est-ce qu’on remet en question notre métier de scénographe dans un contexte semblable?
Mélanie Robinson : Oui, d’une certaine façon. Il y a eu beaucoup de travail et aussi des annulations. Jusqu’à quel point ai-je envie de m’investir personnellement dans un projet? Je pense que tout le monde s’est remis en question. Quand on sait le drame vécu en CHSLD, on se demande ce qu’on peut apporter à notre société comme artiste?
Oui, il y a eu une remise en question. Je ne dois pas être la seule qui a pris un grand respire. Parce qu’on vit toujours à 100 milles à l’heure. Normalement, on enfile les projets, on n’a pas le temps de prendre du recul. Pourquoi est-ce qu’on fait ça, est-ce qu’on continue? Qu’est-ce qui m’a amené au départ dans ce métier?
Un milieu théâtral mobilisé et un public accueillant
On a vu de nombreux projets théâtraux émergés depuis l’automne dernier. Est-ce que cela a donné lieu à de belles collaborations?
Mélanie Robinson : Oui, et on réalise que travailler dans le milieu théâtral, ce n’est pas juste une job, c’est vraiment comme se choisir une deuxième famille. Il y a eu du financement pour des nouveaux projets et au lieu de tout mettre dans un gros projet, c’est l’inverse qui s’est produit. Cela a permis au milieu théâtral de travailler et à plusieurs personnes d’y participer. Il y a eu un mouvement de solidarité dans le milieu, si j’ose dire. Ça m’a vraiment émue, vraiment. Et le public était au rendez-vous!
Observer les gens autour de soi pour créer
Est-ce que la pandémie et le confinement ont eu des impacts sur votre processus de création?
Mélanie Robinson : Chaque scène que je crée prend racine dans mes observations. Et en pandémie, j’en ai eu tu temps pour observer autour de moi les gens. On regarde quelque chose, on lit quelque chose, on écoute quelque chose. Ça peut venir de la musique, d’une peinture, de notre imaginaire, on le transforme, on le matérialise. Le processus de création se passe en mélangeant le concret avec tout ce qui est abstrait. L’objet qui vient de l’esprit.
Il y a eu tellement de choses cette année. Il y a eu des choses qui étaient complètement révoltantes. Oui, il y a eu des choses infiniment triste. Il y a eu aussi des choses qui étaient magnifiques. J’ai vu la vidéo qui montrait des Italiens qui étaient sortis sur leur balcon avec leurs instruments de musique pour jouer ensemble, spontanément.
L’inspiration m’a amené à faire de l’illustration de livres et je me suis permis d’écrire. Je me suis initiée aux bases du cinéma. C’était comme une réaction immunitaire. Moi, il faut que je transforme ce qui est le plus laid en ce qui peut être le plus beau.
Imaginer le théâtre de demain
La scène théâtrale post-pandémie, que voudra-t-on nous présenter demain et après demain?
Mélanie Robinson : Honnêtement, on a quand même atteint un espèce de pivot qui, j’espère, est irréversible. Parce que c’est comme si, tout d’un coup, on était moins gêné de mélanger les genres. C’est un art vivant. Avec des présentations à la télévision comme l’a fait Robert Lepage et La face cachée de la lune, on a peut être ouvert une porte, une sorte d’hybridation des arts du spectacle, si j’ose dire.
C’est un plus, parce que je pense que la poésie qu’on retrouve sur une scène peut se présenter de plusieurs manières. Pour moi, comme scénographe, c’est surtout de nouvelles opportunités dans lesquelles il faut plonger. Il faut y aller. Je pense que pour les arts vivants, la pire chose à faire, c’est de rester confortable dans ses pantoufles.
On est en 2021, on a accès à la technologie. Ça nous permet de mélanger la tradition et la nouveauté. Il faut en profiter. La webdiffusion et la vidéo créent une relation différente avec le spectateur. Cela permet d’aborder la distance avec public. On réfléchit la scénographie en sachant que le contact avec le comédien n’est plus aussi intime, alors que le contact avec le décor donne lieu à une multitude de détails sur la scène.
Ça ouvre sur une nouvelle forme de poésie. C’est intéressant de constater que des liens peuvent ce tisser entre le théâtre et le cinéma, deux milieux qui, des fois, sont plus hermétiques. entre le cinéma et le théâtre.
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