Léa Fischer-Albert : célébrer la vivacité du milieu théâtral!
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Léa Fischer-Albert : célébrer la vivacité du milieu théâtral!

Entretien avec la présidente de la Table de concertation du théâtre du Conseil de la culture des régions de Québec et de Chaudière-Appalaches pour la Journée mondiale du théâtre 2021 sous le thème «#Nousletheatre». 

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Publié le : 18 mars 2021
*Crédit photo David Mendoza Hélaine

BALADO – Écoutez l’entrevue complète!

Entretien avec Léa Fischer-Albert, présidente de la table de concertation du théâtre au Conseil de la culture des régions de Québec et de Chaudière-Appalaches, dans le cadre de la Journée mondiale du théâtre 2021

Sans scène, sans salle, loin du public, une oeuvre théâtrale peut-elle prendre forme? Et bien, depuis mars 2020, force est de constater que c’est possible. Mieux encore, grâce à la richesse et à la diversité de l’offre théâtrale des régions de la Capitale-Nationale et de Chaudière-Appalaches, le public a pu s’en émerveiller!

Après une année marquée par de nombreux bouleversements, c’est le moment de mettre en lumière l’immense vivacité du théâtre d’ici. Pour parler de ceux et de celles qui l’animent, qu’ils soient sur scène ou en coulisse, notre équipe a rencontré Léa Fischer-Albert, présidente de la table de concertation du théâtreà Culture Capitale-Nationale et Chaudière-Appalaches dans le cadre de la Journée mondiale du théâtre 2021 se déroulant sous le thème «#Nousletheatre».

Ensemble, nous avons refait le fil «théâtral» des événements des douze derniers mois.

Quelques mots sur notre invitée

Léa Fischer-Albert est codirectrice générale et directrice du développement du Théâtre du Gros Mécano. Passionnée de théâtre depuis l’adolescence, elle a joint l’équipe de cette compagnie de théâtre jeune public en 2014. Ayant très à coeur de contribuer au développement du milieu artistique de la région, et plus particulièrement à celui du théâtre, elle collabore étroitement avec les membres de la table de théâtre, à titre de présidente, entre autres au sein de comités de travail portant sur la médiation culturelle, le développement des publics, la pratique théâtrale et le financement privé.

Garder le théâtre vivant

Du jour au lendemain, la présentation d’une pièce de théâtre dans une salle de spectacles est devenue impossible. Et pourtant, en Capitale-Nationale et en Chaudière-Appalaches, le milieu théâtral a trouvé de multiples formes pour rester vivant. Comment expliquez-vous cette vivacité?

Léa Fischer-Albert : D’entrée de jeu, je dirais que notre milieu théâtral a ceci de particulier que ses interprètes, ses metteurs en scène et ses professionnels vivent de théâtre. Autrement dit, ces personnes décident de faire carrière au théâtre et de rester ici. Donc, cela a une incidence directe sur la mobilisation du milieu et sur la solidarité qu’on y trouve.

Je pense que cette particularité donne un caractère distinctif à notre région. Ce qui a fait en sorte qu’on a réalisé des initiatives vraiment originales qui perdurent encore.

Mon coup de coeur personnel est le Théâtre de balcons, qui a été réalisé par le Théâtre jeunesse Les Gros Becs en collaboration avec le Théâtre du Gros Mécano, Nuages en pantalon – compagnie de création, le Théâtre des Confettis, Les Incomplètes et L’Aubergine. On leur a demandé de créer de petites formes théâtrales qui pouvaient être présentées en exclusivité aux familles dans la cour arrière de leur maison ou sur leur balcon. Cela a créé des moments de théâtre ordinaire, mais surtout des moments d’intimité auxquels on ne peut accéder dans une salle de spectacle.

Quand on y pense, c’est très rare de pouvoir dire qu’il y a des comédiens et des comédiennes présents pour moi et ma famille dans ma cour. C’est vraiment génial parce que cela a fait travailler des dizaines d’artistes.

Effectivement, c’est extraordinaire de faire vivre le théâtre autrement. Avez-vous d’autres exemples en tête?

Léa Fischer-Albert : Oh oui! Il y en a énormément et je ne pourrais faire une énumération détaillée. On a vu des créations mises en scène pour une représentation en salle qui ont été transformées en radio-théâtre. Ce qui, à mon avis, est extraordinaire parce que la radio permet de démocratiser une oeuvre et de la rendre ainsi très accessible. Il y a eu également plusieurs balados proposées par les théâtres de la Ville de Québec.

Quand on y pense, le théâtre en format audio amène une connexion différente avec l’art de la parole. Le fait de ne pas voir les interprètes ajoute vraiment une dimension unique et rend où l’environnement sonore très important. Dans la même veine, on a vu le retour du théâtre à la télévision et sur web. Des captations en direct ou non, conçues pour être regardées.

Faire vivre l’émotion du théâtre par la voie du numérique

Le télé-théâtre soulève la question du numérique. À première vue, numérique et arts vivants semblent contradictoires. Comment arriver à faire vivre l’expérience théâtre aux spectateurs?

Léa Fischer-Albert : On y arrive et le milieu théâtral doit en être fier! La production et la webdiffusion d’une pièce de théâtre sont plus accessibles actuellement. Les mesures financières déployées par le gouvernement durant la période de la pandémie y sont pour beaucoup. Pour que ce soit une expérience agréable, il faut des moyens appropriés et aussi réfléchir différemment la mise en scène.

Le public étant au rendez-vous, vous pouvez probablement en offrir davantage, donc la scène est vivante. Mais voit-on uniquement un côté de la réalité?

Léa Fischer-Albert : On voit l’oeuvre, mais un certain vide demeure malgré tout. La sensibilité, l’émotion, l’ambiance d’une salle de spectacle et la rencontre humaine avec le public «ne se virtualisent pas».

Et au-delà de l’oeuvre, la production est très différente. Quand on présente une pièce de théâtre en salle, il y a beaucoup de monde qui y contribuent. Les personnes à la technique, à l’accueil, à la billetterie, etc. sont là du début à la fin, chaque jour. Faire une captation, c’est totalement autre chose.

Le milieu théâtral est vivant, mais il faut savoir que ce n’est pas tout le monde qui peut continuer de travailler en pandémie. La diffusion numérique n’implique pas la même équipe qu’une présentation en salle et ne dure pas aussi longtemps dans un calendrier de travail. Cela pourrait donc entraîner la perte de grandes expertises dans le milieu théâtral à cause de tout cela.

Créer un oeuvre théâtrale en temps de pandémie

Comment se déroule le processus de création depuis l’automne dernier? Les salles de spectacles sont fermées depuis le 1er octobre 2020.

Léa Fischer-Albert : Le deuxième confinement s’est vécu différemment, car on a pu reprendre les activités de création. On a le droit de se réunir dans une salle de répétition pour tenir un laboratoire de création et ainsi concevoir un spectacle. C’est étrange tout de même de travailler à la création d’un spectacle, sans savoir s’il rencontrera un public un jour. On peut se questionner sur la nature de l’oeuvre? Doit-elle être montrée pour exister ou la notion d’oeuvre concerne sa création? De grandes questions qui nous habitent davantage depuis les derniers mois.

Les laboratoires de création font en sorte qu’il y a des éclairagistes dans la salle de répétition pour parler conception d’éclairage, qu’une équipe de production peut avancer le travail touchant la scènes, les costumes et les décors, etc.

Donc, le milieu théâtral a pu travailler un peu plus qu’au printemps 2020, mais les représentations en salles constituent une très grande part du travail rattaché à une pièce de théâtre et aussi les revenus.

La reprise des spectacles en salle et la relance des arts de la scène

Le milieu théâtral semble avoir trouvé un équilibre au fil des mois en 2020. Comment on entrevoit la reprise des spectacles en salle?

Léa Fischer-Albert : Il va y avoir du boulot pour éviter de nous retrouver avec un goulot d’étranglement dans les programmations. Il y a des projets annulés, reportés, nouvellement créés. Bref, il faudra être vigilant tout de même pour éviter que beaucoup trop de projets soient annulés.

Au-delà des programmations, il faut penser aux artistes et aux créateurs du milieu théâtral. L’année de confinement n’a pas et n’aura pas les mêmes impacts sur chacun. Je sens une forme d’épuisement «mental».

Pour certains, c’est difficile de ne pouvoir exercer son métier et de ne pas rencontrer de publics. C’est une grande part de ce qui les animent. Pour d’autres, c’est satisfaisant de créer, d’être en salle de répétition et en laboratoire de création. Je pense que c’est aussi une question de personnalité. Pour beaucoup, il y a énormément de deuils, petits et grands, quand on repense à ce qui était vécu au théâtre avant la pandémie.

Est-ce que les bouleversements de la pandémie affecteront la création?

Léa Fischer-Albert : On ne peut prédire avec certitude sur le long terme les impacts de la pandémie sur le milieu théâtral et sur la création d’une oeuvre. Actuellement, les mesures sanitaires ont une influence sur le choix des pièces d’une programmation.

Pour choisir une pièce de théâtre, on regarde le nombre de personnages, la taille des productions, les décors, la jauge possible, et la mise en scène possible, n’oublions pas le 2 mètres de distanciation. Ce sont des questions qui sont présentent hors pandémie bien sûr, car on doit définir un budget de production.

Cela dit, la relance devra inclure des chantiers. Toutes les propositions théâtrales, les initiatives, les balados, etc., il y avait du public pour les apprécier. Comment pourrons-nous les garder? Au municipal, provincial et fédéral, il y a eu de l’aide financière. Ces projets n’auraient pu exister autrement.

Il faut savoir que cela demande beaucoup. Le mode de production actuel doit être bonifié pour être en mesure d’inclure de nouvelles propositions au calendrier de travail régulier. Ça demande beaucoup d’énergie, beaucoup de ressources humaines et financières.

Nous pourrons sans aucun doute aborder ces grandes réflexions avec l’ensemble des membres de la Table de concertation théâtre au Conseil la culture.

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