Marc Gourdeau  : encourager la relève en arts de la scène
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Marc Gourdeau  : encourager la relève en arts de la scène

[1er article / 2] En 2020, Premier Acte fête son 25e anniversaire. 25 ans à offrir un espace de création, de diffusion et de liberté aux jeunes de la relève, en arts de la scène. Entretien avec un homme dont le parti pris est, depuis 20 ans, celui d’encourager la relève en arts de la scène!

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Publié le : 3 avril 2020

[1er article / 2]

Premier Acte fête, cette année, son 25e anniversaire. 25 ans à offrir un espace de création, de diffusion et de liberté aux jeunes de la relève, en arts de la scène. Depuis ce temps, Marc Gourdeau, directeur général et artistique du théâtre, a vu passer nombre d’auteurs et d’acteurs, de metteurs en scène et de scénographes, aujourd’hui devenus des incontournables de nos scènes. Entretien avec un homme dont le parti pris est, depuis 20 ans, celui d’encourager la relève en arts de la scène!

Notre équipe a eu la chance de discuter longuement avec Marc Gourdeau qui, en plus de diriger le théâtre Premier Acte, siège au conseil d’administration du Conseil de la culture des régions de Québec et de Chaudière-Appalaches à titre de président.

Notre conversation a été des plus enrichissantes… nous apportant beaucoup de contenus à vous partager. C’est pourquoi, nous vous avons préparé deux articles pour accompagner la balado!

Q – Je serais d’abord tenté de vous demander en quoi et comment Premier Acte a contribué au développement de la fierté entourant l’appellation de Québec, Ville de théâtre ?

R – Aujourd’hui, hormis le théâtre de La Bordée, dirigé par Michel Nadeau, les autres théâtres de la ville sont dirigés par ce que j’appellerais les enfants de Premier Acte. Anne-Marie Olivier, au théâtre du Trident, Jean-Philippe Joubert, à celui des Gros becs, Marie-Hélène Gendreau, au Périscope, Marianne Marceau, de Jamais Lu, ont tous fait leurs premiers pas à Premier Acte. Cela ne fait qu’illustrer le rôle de cette institution dans l’écologie du milieu théâtral à Québec.

C’est en passant par ici que les nouveaux diplômés, pour la majorité, vont vivre leurs premières expériences, comme porteurs de projet. Chaque année, on découvre de nouvelles voix, des collectifs qui se construisent autour de figures fortes, vont s’inscrire dans la durée, comme l’ont fait Les nuages en pantalons, Bienvenue aux dames, Pupulus Mordicus, Théâtre Kata, qui, tous, ont débuté ici.

Q – On dit souvent que Premier Acte offre un soutien à la création. Comment cela se concrétise-t-il?

R – Sur le plan artistique, on essaie d’éviter le plus possible l’ingérence. Il arrive parfois, lors d’un dépôt de projet dans lequel on détecte une certaine inexpérience, de suggérer l’apport d’un œil externe, d’un mentor sénior. Dès la lecture du projet, des noms nous viennent en tête, selon la nature du projet ou les affinités potentielles qu’on devine.

Cependant, de plus en plus, l’initiative émerge des groupes, des jeunes eux-mêmes. L’apport d’un mentor est souhaité, cela se fait naturellement. Les générations tendent à travailler ensemble.

Là où Premier Acte propose du soutien, c’est surtout en amont, en travaillant avec les responsables de projet, qui en sont souvent à leur première fois hors d’un cadre scolaire. Il s’agit de les accompagner sur tous les aspects en périphérie de la création : structurels, organisationnels, communicationnels, ou pour des aspects touchant à la production, comme c’est le cas pour la gestion des horaires lors de l’entrée en salle, par exemple.

Q – S’agit-il également de mesures visant à assurer une bonne première expérience aux acteurs et aux collectifs qui passent par Premier Acte ? Souhaitez-vous ainsi éviter les expériences trop difficiles, ou les succès déçus ? 

R – Pour paraphraser Robert Lepage, Premier Acte est un endroit où il est possible de casser la gueule… bien qu’on ne le souhaite pas. On essaie donc de tout mettre en place pour éviter que cela ne se produise.

Notre structure d’accueil en est aussi une qui favorise l’autonomie financière, de sorte que les projets soient viables, même sans subventions. Aujourd’hui, la majorité des productions présentées ici bénéficient d’un financement public; mais si la production va bien, si le public est au rendez-vous, avec la portion de recette reversée par Premier Acte, habituellement, la production pourra payer son monde. Après, le montant à partager entre les différents membres de l’équipe varie, dépendamment si on est quinze ou si on est deux.

Q – Plus de 225 spectacles et 2000 représentations plus tard, comment garder la flamme comme directeur artistique ? 

R – La pratique se renouvelle, le discours se renouvelle. Les formes s’éclatent de plus en plus, marquées par une hybridation avec d’autres disciplines comme le cirque ou la danse, avec les arts multi, qui apportent dans leur sillage toute l’influence de la vidéo et de la technologie. On réinvente aussi la façon de voir le théâtre, notamment avec le théâtre documentaire.

Depuis 4-5 ans, on sent que les créateurs sont branchés sur des enjeux sociaux, politiques et humains. Le théâtre reste, peut-être à la différence de certaines autres disciplines plus « mainstream », un lieu qui traite des vraies questions, un lieu où sont présentées des œuvres porteuses de sens. Le théâtre parle du nous, et non du moi.

Nous avons eu, dans les dernières années, des productions fortes, des œuvres coup de poing, comme la pièce Froid, de Lars Norénm, laquelle abordait le sujet du racisme de façon très dure, très crue, à tel point qu’à la fin, les gens n’applaudissaient pas. Non pas parce que c’était mauvais, mais qu’après cette représentation, le geste devenait impossible. Le théâtre ne produit pas le même effet, comme c’est «live».

Q – Est-ce que le fait d’avoir un Conservatoire, à Québec, dont la formation est orientée vers la création, explique le succès du théâtre de création à Québec? 

R – On reçoit chaque saison 30, 40 soumissions de projets pour bâtir une programmation qui comptera une dizaine spectacle. Il y a une volonté de créer très forte. Après, c’est la question de la poule ou de l’œuf. Au Conservatoire de Montréal ou à l’école Nationale de théâtre, on forme surtout des interprètes, car il y a un marché pour eux, par le cinéma ou la publicité. Ici, la réalité de notre milieu fait en sorte qu’à Québec, il y a des théâtres. Donc, pour travailler, les gens doivent, en quelque sorte, créer leur job, leurs productions, s’ils veulent jouer. À mon sens, c’est plutôt l’inverse : n’est-ce pas plutôt la réalité du milieu qui a, au final, influencé la manière de former la relève à Québec. Le Conservatoire est très branché sur la réalité du milieu.

Écoutez l’entrevue avec Marc Gourdeau en balado!

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