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Carolanne Foucher: poésie, théâtre et stand-up pour la jeunesse (parce qu'elle adore visiblement rire et pleurer)

Carolanne Foucher est tout sauf plate. Au contraire, pour décrire cette actrice et autrice d’ici, qui se taille une place de choix tant auprès des critiques que du public, s’imposent son enthousiasme contagieux, son esprit arborescent d’herbe folle, son intelligence de tête et de coeur, cette grande et foisonnante vie qu’elle mène entre Québec et Montréal, au gré de ses projets d’écriture et de théâtre.

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Publié le : 24 octobre 2023

À quelques semaines de Dessiner dans les marges et autres activités de fantôme, une adaptation de son plus récent recueil de poésie présentée au théâtre Les Gros Becs jusqu’au 27 novembre, elle a accepté de prendre le temps de nous parler de son travail, entre théâtre et poésie.

 

Dessiner dans les marges - stand-up poème pour fantôme temps partiel

 

Pour ceux et celles qui n’ont pas lu Dessiner dans les marges et autres activités de fantôme, à quoi doit-on s’attendre?

Ça suit l’année scolaire d’une personne en secondaire 3, de septembre à juin. Le genre du personnage principal (qui narre l’histoire) n’est jamais précisé, ça a été un beau défi d’autrice pour moi, et ça permet à toutes les personnes de s’identifer: fille, gars, non-binaire. Je suis bien contente du résultat!

 

Comme autrice, on te connait pour tes recueils Deux et demi et Submersible ainsi que la pièce Manipuler avec soin (Ta mère). Ce sont trois textes qui s’adressent à un public adulte. Quelle est l’origine de cette impulsion d’écrire pour un public jeunesse?

J’avais envie d’écrire un livre de poésie que j’aurais voulu lire au secondaire. Au final, c’est exactement le même style que ma poésie pour « adultes », à la différence que la personne qui narre l’histoire est plus jeune. J’ai fait bien attention de ne pas rendre ça « bébé »: le public adolescent est plus proche de l’adulte que de l’enfant, selon moi.

 

Dessiner dans les marges nous replonge dans notre secondaire. En lisant, nous remontons dans nos souvenirs, dans nos cours de français, quand on nous apprenait que le texte poétique et le texte narratif étaient deux choses bien distinctes. Chez toi, les deux se mélangent naturellement. Cherches-tu à briser les codes, à ne pas être plate, comme ton fantôme, justement?

Je pense que la plupart des livres qui sortent ces temps-ci brisent les codes: les frontières de la fiction, de la poésie, du roman, de l’essai sont floues, et c’est ben correct comme ça! Moi, au secondaire, je suis arrivée dans la poésie par Émile Nelligan (!) et c’est évidemment super important de lire ces poèmes-là, mais c’est le fun aussi de montrer aux jeunes que la poésie a évolué, que ça fait une couple d’années qu’on chille moins dans le grand monde de la rime et des alexandrins. La poésie pour moi, c’est un état d’esprit et ça se retrouve dans beaucoup plus d’endroits qu’on peut le penser au premier regard.

 

Peux-tu nous expliquer la genèse de l’adaptation théâtrale de ce recueil pour le théâtre Les Gros Becs?

Le livre est tombé entre les bonnes mains au bon moment, je crois bien. Sincèrement, je m’explique mal la chance que j’ai de voir mes mots adaptés pour la scène par une équipe chevronnée comme celle de Nuages en pantalons. Quand Dessiner dans les marges est sorti, j’ai reçu une vingtaine de copies que je pouvais donner à qui je voulais. Je voulais les offrir à des ados, c’était important pour moi, mais l’affaire c’est que je n’ai pas TANT d’ami.e.s de cet âge-là que ça, hahaha! Alors j’en ai donné à mes ami.e.s qui sont parents d’ados, et finalement, ça s’est retrouvé entre les bonnes mains, visiblement.

 

 

En quoi ce passage vers la scène te permet de bonifier le recueil Dessiner dans les marges? 

On a ajouté des scènes!!!! Pour vrai, pour avoir vu un enchaînement du spectacle récemment, c’est vraiment comme une version bonifiée de mon livre. Ça change tout de voir quelqu’un sur scène incarner la voix d’un personnage. Je pense que ça rend l’expérience vraiment complète, possiblement méditative. (Bon… on verra.)

 

Inversement, qu’est-ce que la scène ne peut pas traduire du recueil original, selon toi? 

Quand on lit, on y va à son rythme. On aime un bout, on décide de le relire, on prend une pause pour y penser, on rêvasse en souriant. On n’aime pas un bout, on le lit plus vite et on passe à autre chose. Là, sur une scène, la « vitesse de lecture » n’est pas décidée par le public, mais bien par l’interprète. Au final, c’est bien de se faire livrer une oeuvre sans avoir à faire autre chose qu’écouter, mais ce qu’il y a de bien avec la lecture, même si c’est plus « forçant », c’est que l’interprétation nous appartient entièrement: c’est notre imagination qui guide, on se fait vraiment le film qu’on veut.

 

Dans le descriptif de la pièce chez Les Gros Becs, on peut lire: « une forme simple et directe qui emprunte aux codes du stand-up d’humour ». L’humour est présent dans le recueil, mais pourquoi le stand-up? As-tu été influencée par ton récent rôle d’Élèna dans la série Haute démolition?

Hahaha… non! Mais j’adore ça l’humour, et visiblement ça paraît dans les projets que je fais.

 

En écrivant, tu dois forcément porter en toi la petite voix narrative qui dicte les poèmes de ce personnage-fantôme. Est-ce que c’est difficile pour toi de laisser aller l’interprétation de ce personnage à une autre actrice, comme tu l’es toi-même de profession et que tu le connais si bien?

Absolument pas. Je suis même touchée de voir à quel point le texte est bien porté par Myriam Lenfesty. Par pur hasard, elle avait lu mon livre avant d’obtenir le rôle et m’avait écrit pour me dire à quel point ça l’avait touchée, puis replongée dans ses souvenirs du secondaire. Au final, le texte et cette interprète, c’est un match parfait. Je n’aurais pas fait mieux.

 

Quel est ton passage préféré du recueil? 

Cette semaine, j’ai lu le recueil en entier à voix haute, parce qu’on est en train d’enregistrer le livre audio, et je me suis surprise à être touchée par la fin. L’amour familial, ça me fend en deux, à chaque fois. Et quand j’ai vu ce bout-là joué par Myriam, ben j’ai pleuré aussi. Donc je dirais que la fin, c’est mon bout préféré. Parce que, visiblement, j'adore pleurer.