Marc Gourdeau  : Québec, ville de théâtres et de collaborations uniques!
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Marc Gourdeau  : Québec, ville de théâtres et de collaborations uniques!

[2e article / 2] En 2020, Premier Acte fête son 25e anniversaire. En discussion avec Marc Gourdeau, directeur général et artistique de Premier Acte, nous avons cherché à comprendre pourquoi la scène théâtrale de Québec se démarque!

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Publié le : 8 avril 2020

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Premier Acte fête, cette année, son 25e anniversaire. 25 ans à offrir un espace de création, de diffusion et de liberté aux jeunes de la relève, en arts de la scène. En discussion avec Marc Gourdeau, directeur général et artistique de Premier Acte, nous avons cherché à comprendre pourquoi la scène théâtrale de Québec se démarque!

Notre équipe a eu la chance de discuter longuement avec Marc Gourdeau qui dirige le théâtre Premier Acte. Nous vous présentons le deuxième article tiré de notre très enrichissante conversation. Cette fois, nous vous parlons des théâtres de Québec et de leurs collaborations exceptionnelles.

Q – Le milieu n’est-il pas très orienté vers les partenariats à Québec, comme on le sent et le devine? En dépit des enjeux publics, n’y a-t-il pas cette solidarité entre les artisans? 

R – Oui, c’est évident. À Québec, il y a une réelle collaboration, un véritable écosystème. À Montréal, si un acteur occupe la direction artistique d’une grande institution, c’est inenvisageable de le voir jouer ailleurs. Ici, non. Quand Jacques Leblanc assurait ce poste à La Bordée, ça ne l’a jamais empêché de jouer ailleurs. 

On peut penser à la collaboration entre le Périscope et Premier Acte. Deux théâtres, sur une même rue. Ça peut être aussi simple que du prêt de matériel, lors d’une journée de montage, comme une discussion entre moi et Marie-Hélène, sur certains jeunes, certains projets, sur la meilleure place pour les accueillir. À l’inverse, quand une compagnie a fait 3 spectacles à Premier Acte, logiquement, il traverse la rue pour aller au Périscope, pour présenter son quatrième. 

Q – Cela doit aussi contribuer au développement de vos publics, car il peut évoluer avec l’artiste ?

R – Il suffit de penser à l’abonnement croisé. Beaucoup de personnes ont la volonté d’aller au théâtre, en début d’année, et se retrouvent, en fin de saison, sans y être allées une seule fois. L’idée de l’abonnement croisé était donc de fournir un cadre à cette intention. Mais surtout, de favoriser la circulation des publics entre les différents théâtres de la ville de Québec. Sachant que l’offre théâtrale de la Bordée ou du Trident rejoint un public qui n’est pas celui de Premier Acte, et inversement, l’abonnement croisé permet cette circulation des publics et favorise la découverte.

Q – Cela n’inclut-il pas également le théâtre jeunesse?

R – Beaucoup de compagnies-jeunesse créent leur spectacle, sachant que l’enfant ne va pas au théâtre seul. Il est accompagné d’un parent. Souvent les spectacles comportent plusieurs niveaux ou couches de lecture. Et puis, comme l’enfant ne va pas au théâtre avec des perceptions très codées, la mise en scène et la scénographie peuvent aller très loin sur le plan de l’inventivité et de la création, ce qui est moins envisageable dans un théâtre destiné aux adultes.

Q – Nous avons commencé l’entrevue en portant un regard sur le passé. Cette fois, si on regarde vers l’avenir, qu’est-ce qui se dessine ?

R – Si on regarde le plan des conditions de travail de l’artiste, il y a énormément de travail à faire. Est-ce qu’on pourrait envisager, un jour, d’avoir au Québec, quelque chose qui ressemble aux intermittents du spectacle, en France, qui est une forme d’assurance chômage, un filet social. C’est ce qui permet, à des artistes indépendants, de ne pas être obligés de travailler à temps plein comme serveur, par exemple, entre certains contrats. Cela leur offre une sécurité financière qui leur permet de planifier leur prochain projet. 

Par ailleurs, la fréquentation des arts vivants demeure un enjeu à l’ère de l’écran. Sans avoir regardé les dernières statistiques sur le sujet, il n’en demeure pas moins que, et c’est une opinion très personnelle qui n’engage que moi, même si on demeure vigilants, il n’y a pas autant de périls qu’on l’aurait pensé. Le taux de fréquentation global reste bon. Bien que l’offre demeure abondante, le public est au rendez-vous

Q – N’est-ce pas dû au fait que le théâtre propose une expérience? 

R – C’est la grosse mode : l’expérience. Chez un concessionnaire automobile, vouloir bonifier l’expérience-client, en ayant un café ultra-fin, je veux bien. Mais, pour moi, le théâtre a déjà tout ce qu’il faut. On est déjà au cœur de l’expérience. 

À Premier Acte, cette dynamique est favorisée par l’intimité de la salle, la proximité avec les artistes, l’impression d’être dans le spectacle, par rapport à des lieux plus vastes. Cette proximité génère des expériences humaines qu’il est difficile de retrouver, de revivre ailleurs. Cela autorise aussi un jeu plus naturel, par moment. Ou encore, les productions iront briser certaines barrières avec le public, qui n’est plus passif, mais à l’écoute. On l’interpelle, on le plonge dans l’action. Parfois, encore, on l’oblige à réfléchir, car le texte est plus costaud. Ça ne plaît pas à tout le monde. 

Q – N’est-on plus dans une comparaison de ce qui est bon ou moins bon, mais davantage dans le désir de partager, de recevoir des émotions?

R – On entend souvent les gens faire la distinction entre les arts et le divertissement. Moi, je ne la fais pas. Toute forme d’art est un divertissement. C’est nous qui ne nous divertissons pas tous, de la même façon. 

Beaucoup de gens, au Québec, vont fréquenter des salles de spectacles pour une seule raison : rire. Ils ne vont pas sortir pour autre chose. Certains humoristes vont porter un discours social, mais la réflexion que ce discours va susciter reste secondaire.  

Personnellement, quelque chose qui me fait réfléchir, c’est un divertissement.

Q – Pour terminer, maintenant que Premier Acte fête ses 25 ans, qu’est-ce qu’on vous souhaite pour l’avenir ? 

R – Je souhaite qu’on reste ou qu’on renforce le statut de Premier Acte qui est devenu, en quelque sorte, un carrefour autour duquel gravite toute une génération de jeunes artistes, de par sa programmation régulière, les chantiers présentés dans le cadre du Carrefour international de théâtre. 

Aussi, de pouvoir concrétiser notre projet de rénovation et d’agrandissement, afin d’améliorer les qualités d’accueil des artistes et de notre public. Nous souhaitons que ce projet, s’il se concrétise, puisse nous permettre de faire vivre le lieu, le foyer, au-delà du quinze, vingt minutes avant le spectacle. 

On voit apparaître des 5 à 7 à Montréal, suivant cette tendance importée de l’Angleterre, où pour 20 $, les gens ont une pinte, un hot-dog et une courte pièce, de manière informelle. Tout est à inventer, mais axé sur la rencontre humaine. 

Q – Les créateurs, les artistes sont-ils volontaires, toujours disponibles pour discuter de leur démarche? 

R – Tant qu’il y a rétribution, oui. Historiquement, les artistes ont fait des choses bénévolement pour valoriser leur profession. On ne demande pas ça à des restaurateurs, lors d’événements publics, par exemple. C’est la même chose pour le milieu culturel. Quand nous aurons les moyens d’organiser une activité et de payer convenablement les gens, nous le ferons. 

Écoutez l’entrevue avec Marc Gourdeau en balado!